dimanche 8 février 2015

Le livre d'or de la science-fiction : Encore des femmes et des merveilles (anthologie)


Je continue petit à petit à explorer la collection des livres d’or de la SF, et force est de constater que si certains crus sont excellents (Tiptree), d’autres sont bien moins convaincants. Encore des femmes et des merveilles entre malheureusement dans la deuxième catégorie.

Ce livre d’or est la traduction d’une anthologie anglophone réalisée par Pamela Sargent, More women of wonder, qui fait suite à un premier recueil sur le sujet, Women and Wonder, même anthologiste, traduit en France sous le titre Femmes et merveilles et édité chez Denoël. Je n’ai pas lu Femmes et merveilles, peut-être était-ce une erreur parce qu’il semblerait que les deux anthologies se complètement (l’une privilégiant les nouvelles courtes et l’autres plutôt les novellas…).

Encore des Femmes et des Merveilles propose donc sept grosses nouvelles (40-50 pages en moyenne) d’auteures plus ou moins connues à l’heure actuelle, plus une préface de Pamela Sargent qui s’intéresse à la place des femmes en SF. J’en attendais sans doute beaucoup, j’ai trouvé le propos peu intéressant, à l’exception d’une citation de Ursula K. Le Guin qui déborde sur deux pages en note de bas de page :
« La question en jeu ici est la question de l'Autre – l'être qui est différent de vous-même. Cet être peut différer par son sexe ; ou ses revenus annuels ; ou sa façon de parler, de s'habiller, de faire les choses ; ou la couleur de sa peau, ou son nombre de jambes et de têtes. En d'autres termes, il y a l'Etranger sexuel, l'Etranger social, l'Etranger culturel, et finalement l'Etranger racial.

[...]

Si vous reniez toute affinité avec une autre personne ou une autre espèce de personne, si vous la déclarez totalement différente de vous-même – comme les hommes l'ont fait à l'égard des femmes, les classes sociales à l'égard des autres classes, les nations à l'égard des autres nations – vous la haïssez ou vous la déifiez, mais dans l'un ou l'autre cas vous avez nié son égalité spirituelle et sa réalité humaine. Vous en avez fait une chose avec laquelle la seule relation possible est une relation de puissance. Et ainsi vous avez fatalement appauvri votre propre réalité. En fait, vous vous êtes amputé vous-même. »
Le texte intégral en VO est d'ailleurs consultable à cette adresse, si le cœur vous en dit.

Je ne sais pas si la préface de Femmes et merveilles était plus intéressante et que celle-ci ne sert que de complément d’information, mais du coup cette introduction m’a déçu d’entrée de jeu, et sur les livres d’or ça joue énormément sur le ressenti.

Passons donc aux textes : nous avons Jirel affronte la magie de Catherine L. Moore, qui évoque une sorte de Conan au féminin, tout à fait dans l’esprit de l’époque (1935) mais que j’ai lu plus pour faire connaissance avec l’auteure qu’autre chose. Un peu comme Conan, c’est sympa d’en lire deux ou trois morceaux parce que c’est un classique, mais on n’a pas forcément envie de tout lire !

Vient ensuite Leigh Brackett avec Le lac des disparus, un texte pas tout jeune non plus (1949), mais qui arrive tout à fait à jouer sur le sense of wonder. Cette histoire d’un homme qui veut s’approprier un trésor que son père aurait abandonné sur une planète lointaine est plutôt entraînante.

La Nouvelle Inquisition de Joanna Russ contient une histoire de voyage dans le temps (enfin je crois) mêlée à une histoire d’adolescente tourmentée et des allusions au roman d’H.G. Wells, mais le propos est tellement décousu que j’ai eu du mal à rentrer dedans.

La Puissance du temps de Josephine Saxton met en parallèle la vie de deux femmes d’une même famille, à quelques générations de distance. Entre l’affreusement banal et le démesuré, on apprécie vite l’alternance entre les deux histoires, et le jeu des ressemblances/différences.

Je suis moins enthousiaste sur L'Enterrement de Kate Wilhelm, nouvelle très noire, dans un futur clairement dystopique. J’avais un peu l’impression qu’il me manquait des éléments pour tout comprendre (ou peut-être que je n’étais pas trop d’humeur à lire ce texte, c’est également possible).

Le Soldat de plomb de Joan D. Vinge est de loin la nouvelle que j’ai le plus aimée dans tout le recueil : une sorte de jeu sur le conte d’Andersen, une histoire où la femme part dans l’espace et où l’homme reste à la maison (enfin au bar), beaucoup d’interrogations sur le changement et l’immortalité. C’est émouvant, c’est intelligent, bref j’ai adoré.

Le recueil se termine sur une nouvelle d’Ursula K. Le Guin, A la veille de la Révolution, que j’ai déjà chroniqué dans le cadre de son livre d’or, je ne vous en reparle pas (mais si vous avez lu Les Dépossédés, lisez-là !).

Au final bilan assez mitigé sur cette anthologie, qui a peut-être un peu mal vieilli aussi, avec ses auteures pas toujours très connues et ses textes pas forcément exceptionnels. C’est assez marrant parce que c’est une anthologie traduite, pas créé pour l’occasion, et comme le livre d’or sur Ursula Le Guin (qui était une traduction partielle d’un de ses recueils), j’ai l’impression que la qualité s’en ressent.

D’ailleurs j’ai trouvé que le matériel d’accompagnement était vraiment pauvre : à part l’introduction, on a juste quelques biographies d’auteurs à la fin. Et encore, toutes les œuvres ou presque sont données sous leur titre original, si bien qu’à moins de les avoir déjà croisées, difficile de savoir si elles sont arrivées ou non en France (heureusement depuis on a inventé Internet !).

Seule consolation : ce livre d’or se révèle encore une incroyable source de combo challenges : des femmes, une histoire de voyage dans le temps (La nouvelle inquisition) et un conte revisité à la sauce SF (Le soldat de plomb), que demander de plus ?

CITRIQ


2 commentaires:

Pierre-Paul Durastanti a dit…

Dans mon souvenir (lointain), Des femmes et des merveilles était meilleur. Je n'ai jamais lu la 3ème de la série (non traduite).

Puisque tu as beaucoup aimé le Vinge, je te conseille son recueil au Masque SF, Les yeux d'ambre, qui est assez redoutable. ;)

Vert a dit…

@Pierre-Paul Durastanti
Je le capterais peut-être alors un jour... je note la référence pour le Vinge en tout cas, merci ^^.