lundi 5 avril 2010

L’épouse de bois – Terri Windling


Lorsque j’ai commencé à chanter ma joie à l’idée de pouvoir lire un roman de Terri Windling (auquel j’emprunte actuellement la couverture en guise d’avatar), on m’a demandé qui était cette personne. Il est vrai que si on ne met pas le nez dans l’histoire de la fantasy, il y a peu de chance de la connaitre, alors qu'il s'agit d'une anthologiste et éditeur de renom.

Il faut dire qu’on a assez peu de traces en France : une anthologie sur les contes de fées, Blanche Neige, rouge sang, alors qu’elle en a dirigé des dizaines ; quelques études publiées de ci et de là, notamment dans les Nombreuses vies d’Harry Potter (et autres ouvrages des Moutons électriques, tiens donc). Bref, pas grand-chose, mais cette grande dame a fort peu écrit, tout au plus quelques nouvelles et romans dont celui-ci.

L’épouse de bois, sous la très belle couverture signée Brian Froud, est une histoire étrange, très proche de la fantasy urbaine, à ceci près qu’elle se déroule en plein désert de l’Arizona. L’héroïne principale, Maggie Black, est à la fois écrivaine et journaliste. Elle entretient depuis très longtemps une correspondance avec un poète, David Cooper.

Alors qu’il vient de mourir dans des circonstances fort étranges (il a été retrouvé noyé dans le lit d’une rivière asséchée), voilà que Maggie se retrouve héritière de sa maison située dans les montagnes. Elle décide donc de s’y installer pour y écrire sa biographie. Arrivée là-bas, elle se rend vite compte que la mort du poète n’est pas la seule chose étrange aux alentours…

L’Epouse de bois est un roman envoutant, dans lequel on plonge à corps perdu, non pas pour l’intrigue haletante, mais surtout pour l’univers à la fois féérique et terre à terre. C’est en cela qu’il ressemble à de la fantasy urbaine, dans la proximité qu'il entretient entre monde imaginaire et vie de tous les jours. Il y a quelque chose de la forêt des Mythmagos de Robert Holdstock et du Dieu dans l’ombre de Megan Linholm dans ce roman, qui a cependant une personnalité bien à lui qui vaut le détour.

Pour commencer, l’Epouse de bois est une mise en abîme intéressante. Il est inspiré de la peinture de Brian Froud qui lui sert de couverture (la couverture précède le livre donc), qui elle-même apparait dans l’histoire comme une source d’inspiration pour une des œuvres de David Cooper, elle-même nommée l’Epouse de bois.

La frontière entre faits réels et imaginaire est assez floue, car bien que les personnages mis en scène soient purement fictifs, certains sont intégrés à des cercles artistiques bien réels, principalement le courant surréaliste, à tel point qu’on en vient à s’interroger sur ce qui est fictif et ce qui ne l'est pas. D’autant plus que l’auteur (la vraie), Terri Windling, partage sa vie entre l'Arizona et l'Angleterre, comme Maggie Black.

L’histoire parle beaucoup des artistes, qu’ils soient peintres, sculpteurs ou écrivains. Du mouvement surréaliste, beaucoup, mais aussi de l’artiste qui est en chacun de nous. Tous les protagonistes de l’histoire, à leur façon, sont des artistes. Certains l’assument, certains en souffrent, certains l’ignorent… les multiples interrogations sur l’acte de création sont très intéressantes.

Le texte est ponctuée d’extraits de poèmes, certains tirés de l'œuvre de nombreux poètes (dont Pablo Neruda pour beaucoup), et d'autres, ceux de David Cooper, créés par Terri Windling. Je suis loin d’être passionnée par la poésie, mais je dois reconnaitre que par petites touches, parsemé au gré des pages, cela donne une saveur particulière à l’histoire.

Je me rends compte que je n’ai qu’à peine évoqué la partie fantasy à proprement parler. Il est assez difficile de la décrire, mais elle se révèle fascinante. Il y a quelque chose des fééries britanniques dans son fonctionnement, avec les pactes, les dialogues étranges, et certaines entités (à l’image de la couverture), mais le tout a été métamorphosé par le lieu, l’Arizona, ce qui donne un bestiaire tout autre (coyotes, cactus…) qui évolue dans un décor qu’on croise rarement dans les romans.

L’épouse de bois est donc une véritable invitation au voyage, complètement en marge de la production traditionnelle. Il n’y pas de quête ou de grand méchant, pas de suspense haletant, pas de grande magie, sinon un peu de folklore. C’est un roman tout en subtilité, où tout est évoqué par petites touches.

Il s’offre le luxe, dans cette atmosphère de rêve éveillé, de parler autant de choses irrationnelles que rationnelles : il parle beaucoup d’amour, d’amitié et autres relations entre les gens, et plus largement de la vie, des choix qu’on fait. On suit les pas de Maggie avec autant de fascination quand elle découvre l’univers mystérieux des montagnes que quand elle discute vie de couple avec une de ses voisines.

Vous l’aurez sûrement compris, je suis tombée amoureuse de ce roman, dont la lecture a été un pur moment d’enchantement. C’est une œuvre à part, avec un ton particulier et un univers personnel. Difficile, une fois fermé ce livre envoûtant, de ne pas avoir envie de visiter l’Arizona, pour espérer apercevoir une de ses étranges créatures, ou même ses protagonistes humains, tous très attachants. C’est donc un pur coup de cœur que je vous recommande chaudement.

9 commentaires:

Mimouille a dit…

Très bonne critique...je vais écrire la mienne bientôt. Très beau livre en effet, qui donne envie d'aller vivre reclus dans le Sonora :)

Cela m'a en effet rappelé la Forêt des Mythagos (que je trouve tout de même encore mieux). D'ailleurs Holdstock a très récemment écrit la suite qui s'appelle Avilion, a priori pas encore traduit en français.

Sinon complètement sur les mêmes thèmes, il parait que Charles de Lint est formidable, je vais m'y mettre...

Vert a dit…

Je serais bien intéressée par ton avis, je n'ai pas eu l'occasion d'en lire beaucoup sur le net...

Jamais lu de Charles de Lint sinon les quelques rares nouvelles traduites en vf, mais de ce que j'en ai entendu c'est très fantasy urbaine, donc ça doit être proche en effet.

Efelle a dit…

Une très bonne surprise en ce qui me concerne aussi.
Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi subtil et enchanteur.

Vert a dit…

Moi non plus, j'espère que d'autres écrits d'elle seront traduits un jour en France.

Mimouille a dit…

J'avais oublié de t'envoyer ma critique...

http://mimouille.blogspot.com/2010/07/overview-from-amazon.html

Alfred LePingouin a dit…

Je ne l'ai jamais dit, c'est vrai, mais c'est grâce à toi que j'ai lu ce livre, et je ne le regrette vraiment pas. Un très bon livre, agréable et prenant. Merci pour cette lecture !

Vert a dit…

@Alfred
Ravie de t'avoir permis de le découvrir ^^.

Brize a dit…

Quelques mots pour te dire que j'ai enfin lu ce roman dont je sais depuis longtemps qu'il t'est cher et que je l'ai beaucoup aimé (et comme je ne suis pas sûre de le chroniquer, j'assure le coup en venant te le dire sur ton blog). Merci pour cette chouette lecture :) !

Vert a dit…

@Brize
Tu m'en vois ravie, merci d'être passée pour me le dire ^^