lundi 30 avril 2012

Les héros de la Vallée - Jonathan Stroud


Il y a quelques années, j’ai fait connaissance avec l’œuvre de Jonathan Stroud via la trilogie de Bartiméus. Sous ses airs de classique histoire de magicien pour ado, j’ai découvert un univers atypique presque steampunk avec un anti-héros détestable au possible, accompagné d’un djinn sarcastique inoubliable.

C’était donc tout naturel que je me sois intéressée à un autre de ses écrits lorsque celui-ci a été traduit en France (bon d’accord j’ai attendu le poche, mais j’ai un emploi du temps très chargé vous savez, et la couverture d’Alain Brion est quand même très belle). Il s'agit cette fois d'un roman indépendant, Les héros de la Vallée.

Dans un univers d’inspiration nordique, Halli, de la maison de Svein, est un jeune garçon vit dans la Vallée. Cet endroit a été colonisé par son ancêtre, le héros Svein, voilà bien des années. Celui-ci y a accompli toutes sortes d’exploits héroïques, avant de mourir dans la bataille contre les terrifiants Trâles. Pas très grand, avec un caractère peu facile, Halli ne rêve que d’une chose : accomplir des exploits aussi grandioses que ceux de son ancêtre.

La grande qualité de ce roman, comme dans la trilogie de Bartiméus, se trouve dans son héros : Halli est un garçon atypique, colérique, prompt à faire des bêtises, peu sûr de lui et parfois même franchement stupide. Ce n’est pas un héros facile à aimer, mais on s’y attache finalement d’autant plus qu’il n’est pas un stéréotype et qu’il est extrêmement humain dans ses réactions.

Commençant de façon assez classique avec l’enfance de Halli, le roman jongle avec les classiques (la famille qui ne l’apprécie guère à l’exception d’un oncle bourru, le désir d’aventure) mais s’en joue habilement : si Halli part effectivement à l’aventure, il ne trouve pas tout à fait ce qu’il comptait, et les énigmes qui nous semblaient évidentes (concernant les trâles et l’alignement des cairns) se révèlent finalement pleines de surprises.

Comme dans Bartiméus, on notera la présence d’une héroïne féminine qui sauve souvent la mise au héros par ses réflexions ou ses interventions in-extremis (j’ai l’impression que c’est une constante chez Jonathan Stroud), et chaque chapitre commence par un petit extrait des aventures du héros Svein, ce qui offre un arrière-plan sympathique avec ces légendes extravagantes dignes d’un Conan.

Tout cela donne au final une bonne petite lecture originale, fraiche et bien menée. Quand on voit tous ces cycles en multiples volumes et ces pavés de 1000 pages qui occupent le rayon fantasy des librairies, ce petit roman de 500 pages, avec un début et une fin, est une véritable bouffée d’air frais.

Moi qui pensais saturer de la fantasy, cela me fait plaisir de savoir que je peux encore trouver des romans à savourer dans le domaine !

CITRIQ

samedi 28 avril 2012

Perfect Sense - David MacKenzie


Une petite séance de ciné que je dois complètement à Tigger Lilly et à Cachou. Merci les copines pour m’avoir parlé de ce film, sans quoi je n’aurais jamais su qu’il existait.

Dans un futur proche, une maladie inexplicable contamine l’ensemble de l’humanité qui perd son odorat, puis, peu à peu, ses autres sens. Au milieu de tous ces bouleversements se rencontrent Susan, une épidémiologiste qui recherche l’origine de la maladie, et Michael, un chef cuisinier.

Au milieu des autres films à l’affiche, ce titre fait un peu figure d’OVNI, et il est vrai qu’il est assez difficile à caractériser. Mais une chose est sûre, c’est un film fascinant. J’étais tellement captivée par ce qui se passait à l’écran que j’en ai complètement oublié les prénoms des protagonistes et que j’ai dû aller les rechercher sur Internet pour ne pas les appeler « Eva » et « Ewan » dans cette chronique.

Perfect Sense est un film difficile à qualifier. C’est une sorte de fable étrange, un exercice de style qui pousse jusqu’au bout un concept un peu fou (la perte des sens) avec brio, si bien que la question m’a obsédé longtemps après avoir quitté la salle de cinéma. La façon dont on voit les gens s’adapter au fur et à mesure (par le biais des mutations du restaurant) est d’ailleurs sublime.

C’est aussi une histoire d’amour atypique entre deux personnes qui se qualifient elles-mêmes d’ordures (enfin en anglais c’est « asshole », c’est encore moins poli), où les gestes sont plus parlants que les mots eux-même.

Et enfin, c’est un film apocalyptique qui ne fait pas de bruit, qui aborde la fin de l’humanité tout en douceur, sans raz-de-marée ni astéroïdes, tout au plus quelques émeutes et une bonne dose de chaos urbain.

Avec deux très bons acteurs (je ne doutais pas franchement de Ewan McGregor, mais ça m’a fait plaisir d’apprécier également le jeu d’Eva Green), de très bonnes trouvailles (j’aime beaucoup comment ils réinventent les odeurs et les goûts lorsque les sens disparaissent), on a donc là un film qui sort de l’ordinaire tout simplement charmant.

Je mettrais juste un petit bémol sur la fin un peu insatisfaisante. Même si le film aurait difficilement pu continuer, j’avoue que le « après » me hante un peu. Mais le concept en lui-même, hors de toute explication rationnelle empêchait je pense d’avoir une « vraie » fin. C’est la limite de l’exercice, mais cela n’enlève rien à ce très bon moment de cinéma qui détonne un peu dans le paysage.

jeudi 26 avril 2012

La chanteuse-dragon de Pern - Anne McCaffrey



Il va être difficile de parler de ce roman sans répéter ce que j’ai dit sur Le chant du dragon, tant les deux romans sont proches. Il ne s’écoule que quelques heures entre la fin du Chant du dragon, et le début de La chanteuse-dragon de Pern, j’ai donc tendance à lire à la suite, sans vraiment marquer de pause ou chercher à les différencier.

L’histoire commence avec l’arrivée de Menolly à l’atelier des harpistes après tous ses malheurs. Entre la nouveauté du lieu, les maitres exigeants, la jalousie des autres filles, les problèmes que lui posent ses lézards de feu, son intégration ne va pas forcément être une partie de plaisir, on s’en doute.

On retrouve donc la même recette d’un roman plus orienté jeunesse, avec une seule héroïne, qui offre parfois un point de vue alternatif (l’histoire se déroule toujours en parallèle de La quête du dragon), et par le biais de laquelle on découvre le monde des harpistes (et on commence à prendre conscience dans ce tome de leur importance).

Il est encore plus facile de rentrer dans ce roman car il suit la trame on ne plus classique de la nouvelle élève douée mais repliée sur elle-même qui arrive dans une école, qui s’y fait des amis et des ennemis.

Autant dire qu’il se dévore aussi vite que Le chant du dragon, surtout grâce à son atmosphère très musicale : on est à l’atelier de la harpe, on parle musique en permanence (chant, instruments, composition musicale…), les chapitres commencent par des extraits de chansons, autant dire qu’on est dans l’ambiance !

On pourra reprocher à Menolly d’avoir un peu trop de mal à se prendre en main (heureusement qu’elle est entourée de gens qui l’apprécient et la défendent), mais après ses précédentes expériences, je comprends tout à fait le temps qu’elle met à vaincre ses appréhensions, et une fois encore, je me suis retrouvée tellement happée par son histoire que je n’arrive pas à lui en faire le reproche.

Le seul point négatif de ce tome, c’est son côté un peu bisounours (en fait cette histoire m’a tellement marqué que j’étais persuadée que toute la série était aussi gentillette !), notamment avec toute cette horde prête à défendre Menolly face à des méchants très méchants (et mesquins).

Je trouve aussi dommage que l’histoire de Menolly s’arrête à ce tome. Même si elle réapparait dans d’autres volumes (notamment les Tambours de Pern, de mémoire) et qu’on la voit évoluer, sa présence se fait plus furtive, et certains aspects de son histoire auraient mérité un plus grand développement dans un troisième volume (j’aurais bien aimé la voir s’affirmer, peut-être contacter sa famille…).

Elle apporte en plus paradoxalement un brin de normalité (en dépit de ses neufs lézards de feu et de son don pour la musique !) au milieu de tous ces chevaliers-dragons qui sont un peu des êtres à part, par leur statut de protecteur, et aussi par l’influence qu’ils exercent sur les habitants de Pern (sans gouverner au sens propre, ils sont le vecteur de certaines évolutions).

Mais cela n’enlève rien à l’affection que je porte à ce diptyque Chant du dragon / Chanteuse-dragon de Pern, qui fait partie de mes meilleurs souvenirs de lecture de cette saga, et que je relis avec toujours autant d’émotion. Nul doute qu’ayant maintenant les volumes chez moi, je les relirais désormais bien plus souvent !


CITRIQ

mardi 24 avril 2012

The Pirates ! Band of Misfits - Peter Lord


Un nouveau film des studios Aardman sur les écrans (à qui on doit Chicken Run, mais surtout tous les Wallace & Gromit), je ne dis jamais non car ils font vraiment des choses magnifiques en stop-motion. Alors quand en plus ils se lancent dans la piraterie, et qu’on trouve David Tennant au doublage, tout cela fait un excellent argumentaire non ?

Sauf que film d’animation oblige, les séances VO se font rares, et j’ai dû faire, bon gré mal gré, une croix sur la voix de David (sans parler des autres, on croise entre autres Hugh Grant et Imelda Staunton). Ca m’a laissé un peu sur ma faim, mais je me rattraperais sans doute avec le DVD.

Bref The Pirates ! Band of Misfits (ou Les pirates ! Bons à rien, mauvais en tout si vous préférez la très longue traduction française) nous raconte l’histoire du Capitaine Pirate, un fringuant barbu à la tête d’un équipage plutôt hétéroclite (entre un pirate à la goutte, un pirate aux formes plantureuses et un pirate qui aime les couchers de soleil et les chatons), qui rêve d’obtenir le titre de pirate de l’année.

Sauf que ses coffres sont vides, si bien que lorsqu’il aborde le navire d’un scientifique anglais (un certain Charles Darwin), et que celui-ci lui fait remarquer que son perroquet, Polly, n’est autre que la dernière représentante de l’espèce des Dodos, il met aussitôt le cap sur Londres où la présentation de son oiseau pourrait lui valoir une belle récompense.

The Pirates ! m’a beaucoup fait pensé à l’univers de Monkey Island dans sa manière de brasser les clichés de la piraterie : on est donc très heureux d’apprendre qu’une des meilleures choses dans la piraterie (à part le pillage, le sabre d’abordage, le scorbut et les soirées jambon), c’est de se battre en remontant des escaliers à l’envers, et qu’être pirate donne lieu à une carte de réduction dans certaines enseignes !

Ce genre d’univers complètement foutraque est fort évidemment délicieux, surtout quand on y ajoute quelques personnages historiques réunis par hasard (Darwin, la reine Victoria, et on croise aussi une des sœurs Brontë), et de manière générale une quantité absolument inhumaine de références dissimulées et là.

Il y a des jeux de mots sur toutes les enseignes de boutiques ou presque (il faudrait pratiquement faire pause dans certains endroits), je soupçonne l’académie des Sciences de Londres d’être un nid à références, et je me suis vraiment demandée si certains dialogues avaient été pensés pour leurs doubleurs (en français, on a quand même un Darwin qui se lamente de n’avoir jamais joué au docteur avec une fille !).

L’histoire, bien que classique, est plutôt plaisante, avec quelques très beaux moments (la maison de Darwin est mon passage favori dans le genre scène d’action absurde), une belle galerie de personnages (le chimpanzé et le dodo sont géniaux), et un jeu sur le réel assez hilarant (on les voit jeter à l’eau des traits rouges pour marquer leurs déplacements sur une carte !).

Bref c’est un bon divertissement, susceptible de plaire aux petits comme aux grands, et très (très) chouette visuellement. Ceci dit, il lui manque quelques idées vraiment délirantes (j’ai plus souri que ri au film), et la petite touche de poésie pour arriver au niveau d’un Wallace & Gromit (mais en même temps, qu’est-ce qui pourrait également Wallace & Gromit ?).

dimanche 22 avril 2012

Le chant du dragon - Anne McCaffrey


Avec ce volume de la Ballade de Pern, nous quittons temporairement l’histoire principale pour s’intéresser plus en détail à un aspect particulier de la planète, les harpistes, qui assurent le rôle de ménestrels, d’enseignants et de colporteurs de nouvelles (ce qui leur donne l’opportunité de jouer le rôle d’espion ou d'institut de sondage à leurs heures perdues).

Mais je m’égare un peu, puisque ce volume parle avant tout musique, par le biais de son héroïne, Menolly. Cette fille d’un seigneur de fort de mer a un don pour la musique et le chant, mais les femmes ne pouvant être harpistes, à la mort du harpiste résident, toute sa famille s’oppose à ce qu’elle continue à pratiquer (allant jusqu’à employer des solutions assez extrêmes).

Le chant du dragon est très différent des volumes précédents. Il se focalise sur une seule héroïne, l’histoire principale est un peu laissée de côté (même si on en apprend beaucoup sur les lézards de feu), et s’il y a des passages durs, l’histoire est tout de même nettement plus orientée ado (difficile de ne pas fusionner avec Menolly pendant la lecture).

Ce roman est aussi le premier de la série à reprendre des épisodes déjà connus, mais d’un autre point de vue, procédé intéressant (même si du coup certains passages du Chant du dragon en deviennent presque incohérents tels qu’ils sont racontés dans La quête du dragon), quand l’auteur n’en abuse pas (comme elle le fera dans d’autres tomes il me semble).

Ce roman est de loin mon favori de toute la série, avec sa suite. Il m’avait beaucoup marqué quand je l’avais lu la première fois. Il est vrai qu’il est difficile à quinze ans de ne pas dévorer l’histoire de Menolly, jeune fille très douée bien qu’on refuse de reconnaitre son don (au contraire, on lui interdit de le pratiquer).

Même avec du recul, je me surprends encore à partager ses émotions et sa douleur (ses parents et sa sœur sont juste horribles), et à admirer son courage (je n’arrive même pas à la trouver trop parfaite, ou trop apitoyée sur elle-même, alors que je pourrais logiquement le penser).

C’est donc un très beau tome, qui a le mérite en plus de montrer la vie des habitants des forts, repliés sur eux-mêmes, qui n’ont pas une vie facile comparée aux habitants des Weyrs. Sa suite directe est tout aussi intéressante, d’ailleurs, je vous en parlerais sous peu.



CITRIQ

jeudi 19 avril 2012

Belles embarquez ! - Belyscendre


J’ai découvert Belyscendre il y a quelques années, et ça a été un véritable coup de cœur. Ce groupe de quatre personnes (deux chanteuses, deux musiciens touche à tout) s’est fait une spécialité de reprendre des chansons traditionnelles avec leurs instrumentalisations à eux, et le résultat est de toute beauté.

Après un premier album, Prends garde au loup, qui avait tourné en boucle chez moi dès son achat (tout en lisant le Livre de Cendres de Mary Gentle, si bien que les deux sont liés dans ma tête désormais), j’attendais avec impatience la sortie de leur deuxième album, Belles embarquez !, sorti au mois de janvier, sur lequel je me suis aussitôt jetée.

(Oui ce billet est en préparation depuis quatre mois, il m’a juste fallu un trajet de trois heures en TGV et une batterie d’ordi portable chargée à bloc pour que j’arrive enfin à écluser mes dernières chroniques en retard ! Je devrais prendre le train plus souvent)

La recette est la même que pour le premier volume, avec comme toujours un bon lot d’histoires (d’amour ou non) plus ou moins tragiques, avec ici une thématique plus ou moins liquide (beaucoup d'eau, de la mer aux rivières, sans oublier le vin bien sûr). Le résultat est toujours aussi magnifique (très belles voix, bel accompagnement derrière).

En plus, il n’y a pas d’intermèdes entre les chansons (qui sur le premier CD étaient sympathiques à la première écoute, mais vite lassants, une bonne chose que je lise ma musique sur mon ordinateur et que je puisse sélectionner les plages !). Autant dire qu’encore une fois, c’est un album qui tourne en boucle chez moi.

Je guettais un peu la Blanche biche, que j’avais déjà entendu en concert (du coup j’avais beaucoup apprécie de croiser les paroles au détour d’une page dans Chien du Heaume), qui est vraiment une chanson de toute beauté (les paroles, l’interprétation…).

Mais le reste de l’album est tout aussi chouette (si bien que je saurais vous orienter vers un titre ou un autre). Les chansons sont d'ailleurs fort susceptibles de vous rester en tête (et c’est ainsi qu’on se retrouve à chanter Hourra les filles en allant bosser le matin…).

Je n’achète plus de CD désormais à de rares exceptions, exception que mérite bien Belyscendre, puisque l’objet lui-même est bien conçu (pas comme la plupart des CDs achetés dans le commerce, le dernier la pochette était juste en carton !), avec un chouette livret des paroles abondamment illustré.

Bref, si vous cherchez des musiques qui semblent venues de temps anciens pour accompagner vos lectures, je vous invite grandement à découvrir ce groupe. Je vous renvoie à leur site, pour écouter quelques extraits (et sinon, Google est votre ami pour trouver des vidéos de concert !)

mardi 17 avril 2012

La quête du dragon - Anne McCaffrey


Après un premier tome finalement très fantasy, on rentre bien plus dans le vif du sujet avec La quête du dragon. D'ailleurs quelques légers spoilers du tome 1 se sont certainement glissés dans cet article, donc si vous ne l'avez pas lu, prenez garde.

Pern est désormais protégée efficacement contre les Fils, grâce aux chevaliers-dragons ramenés du passé par Lessa. Cependant l’entente entre anciens et modernes est loin d’être au beau fixe, ce à quoi s’ajoute la pression des seigneurs de forts qui aimeraient voir disparaitre définitivement la menace des Fils.

Quand j’ai lu pour la première fois la Ballade de Pern, La quête du dragon était perpétuellement emprunté à la bibliothèque, si bien que je ne l’ai eu en main que très tardivement, et je l’ai trouvé peu intéressant, tout son contenu m’étant déjà connu par les évocations faites dans les autres volumes.

En le relisant aujourd’hui, à sa place logique, je me rends compte de son importance. Si Le vol du dragon était une introduction, La quête du dragon apporte des éléments clés qui vont alimenter tout le reste des romans.

On découvre un peu plus en détail le mystérieux continent méridional, on fait connaissance avec les lézards de feu (soyons honnêtes, on en voudrait tous un chez soi), et le passé commence à refaire franchement surface sous forme de technologies oubliées.

La narration est explosée entre de nombreux personnages, et chaque petite histoire mériterait pratiquement un livre à part entière, ce tome est presque trop dense, entre l’histoire de Kylara (détestable Kylara), celle de Brekke et de F’nor, les soucis de F’lar pour gérer les anciens et les exigences des seigneurs, les réflexions de Robinson, le maitre harpiste… et pour finir l’apparition de Jaxom, qui prendra son importance par la suite.

C’est vraiment dans ce tome que l’on se rend compte de la dimension de planet-opera de la Ballade de Pern : la planète a été colonisée dans un très lointain passé, les colons se sont adaptés, les mentalités ont évolué (les forts sont bien moins soumis aux weyrs après quatre cents révolutions sans chutes), les techniques se sont perdues faute de transmission de la connaissance…

Du coup, bien que très riche, La quête du dragon est loin de m’avoir rassasié. Au contraire, ce tome m’a plutôt ouvert l’appétit, et il me tarde de (re)découvrir plus en détail le passé de la planète Pern. Mais ce n'est pas pour tout de suite, d'abord, je vais m'occuper des histoires des harpistes...

Je terminerai juste sur un petit mot à propos des intégrales. Je ne reviendrais pas sur le découpage qui me laisse sceptique, mais plutôt sur l’objet en lui-même. Je craignais un peu de lire des volumes aussi massifs, mais finalement ils restent assez confortables à manipuler, et ils présentent un avantage, on peut lire à table, le livre posé à côté de l’assiette reste ouvert de lui-même !

La seule chose qui m’énerve un peu, c’est que Pocket s’est contenté de rééditer les textes sans se donner la peine de les corriger. Je comprends qu’une révision de traduction coûte bien trop cher (et même si j’ai trouvé quelques phrases bizarres, l’ensemble se tient), mais les romans auraient bénéficié d’une bonne relecture.

J’ai encore trouvé des coquilles, des noms mal orthographiées une ligne sur deux, des traductions non harmonisées (selon les tomes on parle en effet de marquage ou d’empreinte des dragons, entre autres), et quelques énormités. La palme revient à ce passage dans la Quête du dragon :
Parce que j’envoie toujours un cheval en avance pour service de message en cas de problème de dernière minute, nous avons pu atteindre Lemos avant le front de chute.
Ma première lecture de Pern commence à dater, mais je pense que je me serais souvenue s’il y avait des chevaux sur Pern (oui bon j’imagine que le traducteur s’est emmêlé les pinceaux, en VO on parle de dragonrider, soit cavalier-dragon, menfin de là à nous sortir un cheval !).


CITRIQ

dimanche 15 avril 2012

Petite revue béophile trimestrielle (4)

Après maintes hésitations, j’ai décidé de continuer mes petits comptes rendus d’écoute, histoire de ne pas parler que de bouquins ! Je cherche toujours un titre plus joli (avis aux personnes inspirées), mais en attendant la formule reste la même.


Dragon Age : Origins – Inon Zur

Vu le nombre d’heures que j’ai consacré à ce jeu depuis le mois de novembre, il était assez naturel que j’en vienne à m’intéresser à sa BO, composée par Inon Zur (qui avait bossé sur Baldur’s Gate 2 et Icewind Dale 2, autant dire que je n’étais pas dépaysée).

Celle-ci contribue grandement à l’atmosphère du jeu, et s’est révélée plutôt efficace durant mes différentes parties. Elle contient quelques beaux morceaux de bravoure. Je pourrais vous parler du thème principal ou de la chanson de Leliana, deux titres de toute beauté, mais la musique qui m’a le plus marqué est celle qui est jouée durant les batailles dans le village de Lothering.

C’est un peu paradoxal mais la plus belle musique de bataille se trouve assez tôt dans le jeu, et on ne la ré-entend jamais plus par la suite. C’est surtout la deuxième partie (vers 1 min 20) que j’adore, au point de mettre le jeu en pause pour l’écouter tranquillement pendant mes parties. Bon d’accord, ça ressemble peut-être un peu trop à du Harry Gregson-Williams, mais dans le jeu ça rend drôlement bien !



La colline aux coquelicots – Satoshi Takebe

A l’image du film, la BO de La colline aux coquelicots est une composition pleine de charme et de bonne humeur, un vrai régal à écouter pour se réveiller le matin, avec un piano au sommet de sa forme notamment.

J’ai un peu de mal à isoler un morceau en particulier, mais j’avoue avoir beaucoup apprécié les chansons, notamment le morceau d’ouverture, Lever du jour, chanson du petit déjeuner, qui porte fort bien son nom (pendant la séance, je l’avais surnommé « L’ami Ricoré version japonaise »), avec une belle intro au piano, avant d’embrayer sur une chanson pleine de vie.
L'été des adieux (la chanson de fin, qui est accessoirement la seule que j’ai réussi à dénicher sur Youtube !) est fort belle également.



Sherlock Holmes : a game of shadows – Hans Zimmer

Oui je sais, je ne me renouvelle pas franchement, mais que voulez-vous, quand on aime… Cette BO de suite n’est pas aussi inventive que celle du premier volet (Psychological recovery… six months m’impressionne toujours autant), mais elle accompagne le film, et contient quels passages sympathiques.

J’ai tout particulièrement apprécié les incursions d’opéra (ça m’a rappelé la BO du 2e jeu vidéo Gabriel Knight notamment), et les sonorités très tziganes de certains morceaux. A écouter en intégralité sur Deezer.



Sherlock Saisons 1 & 2 – David Arnold & Michael Price

Vous vous doutez bien que j’attendais avec impatience cette BO, parce que j’avais beaucoup apprécié la musique de cette série (et la série tout court). Mais finalement, j’ai été un peu déçue par l’album.

Si j’y ai retrouvé avec plaisir quelques thèmes phares (notamment The Game is on), j’ai été frustrée quand j’ai découvert qu’on n’y trouvait que la musique de la saison 1… alors que je venais de voir la saison 2, dont les musiques m’avaient bien plus marquée, notamment pour A scandal in Belgravia.

C’est tout de même une chouette BO (mais plus d’ambiance qu’autre chose). En écrivant cet article, je me suis alors rendue compte que la BO de la saison 2 était sortie, et je me suis donc légitimement jetée dessus. Et honnêtement, rien que pour les musiques du premier épisode (et un peu pour celles du dernier), comme The Woman, elle en vaut la peine !



War Horse – John Williams

Au mois de mars, je voulais vraiment voir ce film (parce que c’était un Spielberg, et parce que j’avais lu beaucoup de bien de sa BO), mais je n’ai jamais réussi à en trouver le temps. Jetant l’éponge, j’ai fini par acheter la BO seule.

Autant il y a des compositeurs pour lesquels cela ne me dérange pas (la musique de Hans Zimmer se passe facilement d’images), autant je trouve l’expérience un peu plus difficile avec John Williams (je me rends compte qu’il n’y a pas une BO de lui dans mes collections que je n’ai vu en film).

Du coup je suis face à une très belle partition qui ressemble beaucoup à John Williams, tout en se révélant plutôt originale (je lui trouve moins d’airs de déjà vu que Tintin par exemple), j’aime beaucoup l’écouter (c’est super agréable de lire sur ce fond sonore), mais j’ai du mal à vraiment rentrer dedans. Il faudra vraiment que je me prévoie un visionnage du film. Aussi disponible sur Deezer, minus la première plage.

vendredi 13 avril 2012

Le vol du dragon - Anne McCaffrey


Voilà, c’est parti, pendant les mois à venir, vous risquez de manger du Anne McCaffrey à toutes les sauces, et surtout à la sauce dragon, puisque je me suis replongée dans la Ballade de Pern.

Ce cycle a été une de mes premières lectures de SFF adulte (enfin disons que ça marque l’époque où j’ai épuisé le rayon jeunesse de la bibliothèque et que je suis allée voir celui des adultes), et j’en garde un très bon souvenir, si ce n’est un ordre de lecture un peu chaotique qui dépendait de quels tomes je trouvais en rayon lors de mes visites (si j’ai commencé par Le vol du dragon, j’ai pratiquement terminé par La quête du dragon !).

Les relire est donc pour moi l’occasion de remettre de l’ordre dans tout ça, et après réflexion, j’ai préféré opté pour l’ordre de parution originel (et non l’approche pseudo -chronologique des intégrales), qui me semble plus cohérent et logique. Vous ne vous étonnerez donc pas de me voir sauter d’une intégrale à l’autre !

Le vol du dragon est le premier tome de la Ballade de Pern, une saga de science-fantasy, ce qui comme ce mot valise l’indique, est un subtil mélange d’éléments de science-fiction et de fantasy. Ce n’est pas la seule série de ce genre, mais c’est certainement l’une des plus représentatives et des plus habiles à mêler les deux dans son univers.

La planète Pern, dans le système de Rukbat, a été colonisée par des terriens voilà bien longtemps. Seulement, quelques temps après leur installation, les colons se sont retrouvés à la merci d’un danger imprévu : lorsqu’un planétoïde errant, l’Etoile rouge, s’approche de Pern, les spores qui vivent à sa surface se laissent tomber à la surface de la planète sous forme de Fils qui dévorent tout sur leur passage, sauf la pierre et le métal.

Coupés de la planète Terre, les colons ont mis au point des moyens de défense, et c’est ainsi qu’ils créèrent, par le biais de manipulations génétiques, des dragons, capables de calciner les Fils avant qu’ils ne touchent le sol, que chevauchent des humains capables de communiquer avec eux par télépathie, les chevaliers-dragons.

Des siècles ont passé, et grâce à la protection des dragons, les habitants de Pern ont survécu, regroupés en forts, avec un système de gouvernement presque féodal. Cependant, leurs origines se sont peu à peu fondues dans des légendes, et l’Etoile rouge ayant épargné la planète pendant quatre cents révolutions (des années quoi), les chevaliers-dragons eux-mêmes se sont raréfiés et sont quelque peu tombés en disgrâce.

L’histoire du Vol du dragon commence alors que F’lar, un chevalier de bronze persuadé que les Fils vont tomber à nouveau, part en quête de jeunes filles dans les différents forts de Pern, afin de trouver la candidate idéale qui marquera le nouveau œuf de reine. De son côté, Lessa, jeune fille pleine de ressources et dernière héritière de la lignée de Ruatha, cherche à mettre fin au règne de l’usurpateur qui a massacré sa famille. Inutile de vous préciser que leurs destins vont forcément se croiser.

Si on laisse de côté le préambule sur l’histoire de Pern, ce tome-ci, qui ouvre la saga, est quasiment une pure histoire de fantasy. L’univers est fortement médiéval, les dragons semblent plus magiques qu’autre chose, et entre les archives poussiéreuses, les chansons, les combats aériens, les luttes de pouvoir dans le Weyr et avec les Seigneurs, on ne voit pas trop l’argument SF.

C’est un peu ce qui en fait la meilleure portée d’entrée à cet univers. Le côté médiéval est facile à appréhender, et on bascule tout doucement dans l’aspect science-fiction à petite dose, alors que les habitants de Pern redécouvrent quelques fragments de leur passé, ainsi que certaines capacités très spéciales des dragons.

A la relecture, je me suis surprise à moins vivre l’action aux côtés des personnages (je fusionne bien moins avec Lessa et F’lar qu’à ma première lecture, même si je reconnais qu’ils ont le caractère qu’il faut pour mener leur barque), ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier cette aventure (et son aspect SF, certes classique mais plutôt bien amené).

C’est assez marrant parce que je gardais comme souvenir de Pern des textes assez gentillets plus ciblés ado, ce n’est pas du tout le cas de ce premier tome, qui sans être franchement sombre a ses petits moments très adultes. Je me suis fait la réflexion à la relecture que le passage de l’accouplement des dragons pouvait avoir un côté assez malsain quand on y réfléchit un peu.

En tout cas j’aime beaucoup relire ces vieux romans des années 70-80, sans doute parce que je les trouve beaucoup moins bavards que ne le sont les gros cycles actuels (oui je sais le Seigneur des Anneaux est bavard, mais c’est un cas à part). Ils racontent en 300 pages ce qui en prendrait 600 (voir plus) aujourd’hui, ce qui leur donne un côté assez efficace, même si on y perd un peu en épaisseur pour les personnages.

Sur celui-là, je regrette juste la quasi absence de découpage un peu usant à la lecture : le roman étant divisé en quelques grandes parties, à peine subdivisée à l’intérieur (si ce n’est par quelques très extraits sympathiques extraits de chansons entre les paragraphes) du coup on ne sait jamais où s’arrêter. Ceci dit je me demande si ce n’est pas uniquement le fait de l’intégrale, ça serait à vérifier.

En tout cas, je replonge avec plaisir dans l’univers de Pern, et vous entendrez très bientôt parler de la suite (à vrai dire je viens de terminer la Chanteuse-dragon de Pern !).


CITRIQ

mercredi 11 avril 2012

De bons présages – Neil Gaiman & Terry Pratchett


Je suis toujours la première à critiquer les quatrièmes de couverture, mais il faut reconnaitre que certaines font tellement bien leur travail, qu’on n’a aucune envie d’essayer de les égaler.
L'Apocalypse aura lieu samedi prochain, après le thé ! Ainsi en ont décidé, d'un commun accord, les forces du Bien et du Mal.
L'Antéchrist va fêter ses onze ans. Son éducation a été supervisée par un ange, Aziraphale, et un démon, Rampa, résidents sur Terre depuis l'époque de la première pomme.
Mais voilà, suite à un coup du sort, l'enfant a été échangé à la maternité. Le vrai Antéchrist se nomme Adam et vit dans la banlieue londonienne. Et ça, ça change tout ! Une course contre la montre commence alors pour l'ange et le démon qui, finalement, se disent que la race humaine ne mérite pas son sort...
J’ai découvert De bons présages par le biais de ce résumé complètement tordu, à une époque où j’ignorais complètement l’existence de Neil Gaiman, et où le nom de Terry Pratchett ne me parlait pas plus que ça. Je n’irais pas jusqu’à parler de révélation, mais vu que je relis une fois l’an ou presque, il serait temps que je m’occupe de le chroniquer. Même si je ne saurais par où commencer, comme pour tous ces romans qu’on connait trop bien à force de les relire.

De bons présages met en scène l’Apocalypse (selon St Jean, avec toutes les catastrophes, les quatre cavaliers et tout le tintouin), mais quelle Apocalypse ! Pratchett et Gaiman sont capables du meilleur chacun de leur côté, alors ensemble, forcément ça donne.

L’histoire en apparence complètement barrée est finement orchestrée, avec des idées délirantes des personnages hauts en couleur, et des péripéties qui sont de vrais morceaux de bravoure (comme la chevauchée de Mme Tracy et de Shadwell sur la fin qu’on rêverait de voir en film !). Du coup, il est difficile de faire la liste de tout ce que j’aime dans ce roman.

Il y a toutes ces explications complètement tordues (où on se dit que ça ressemble à du Pratchett, mais aussi à du Gaiman, et au bout d’un moment on jette l’éponge quant à savoir qui a inventé quoi dans cette histoire).
Ces histoires de fossiles de dinosaures sont un canular, mais les paléontologues ne l’ont pas encore compris.
Ce qui prouve deux choses :
D’abord, que les voies du Seigneur sont impénétrables : elles fonctionnent peut-être même en circuit fermé. Dieu ne joue pas aux dés avec l’univers, mais à un jeu ineffable de Son invention, qu’on pourrait comparer, du point de vue des autres joueurs, à une version obscure et complexe du poker, en chambre noire, avec des cartes blanches, pour des enjeux infinis face à une Banque qui refuse d’expliquer les règles et qui n’arrête pas de sourire.
Il y a les personnages de Rampa et d’Aziraphale, leur étrange vie d’ange et de démon (j’adore le boulot de Rampa, qui fait dans la Tentation à échelle industrielle quand ses collègues sont dans l’artisanat !), et l’étrange amitié qu’ils entretiennent (pardon, c’est un Pacte), ce qui donne lieu à des échanges absolument délicieux.
« C’est nous qui allons gagner, bien entendu, annonça-t-il.
- Ce n’est pas dans ton intérêt, répliqua le démon.
- Et pourquoi donc, je te prie ?
- Enfin écoute ! Combien de musiciens crois-tu qu’il y a de votre côté ? Des musiciens de premier ordre, entendons-nous bien. »
La question sembla prendre Aziraphale au dépourvu.
«  Et bien, je dirais…
- Deux, annonça Rampa. Elgar et Litz. Point final. Tous les autres sont chez nous. Beethoven, Brahms, la famille Bach au grand complet, Mozart, toute l’équipe… Tu te vois passer une éternité en compagnie d’Elgar ? »
Le reste du casting est tout aussi brillant, entre Adam et les Eux (aussi touchants qu’ils sont drôles, ils incarnent l’enfance dans toute sa splendeur), les quatre cavaliers de l’Apocalypse (dont on appréciera la réinterprétation du rôle de certains dans le monde moderne, comme Famine), ou encore Shadwell (difficile d’oublier un tel phénomène).
Mais il s’aperçut qu’il aimait bien Shadwell. C’était l’opinion générale, ce qui ulcérait Shadwell. Les Rajit l’aimaient bien : il finissait toujours par payer son loyer, c’était un locataire calme, et son racisme était si gauchement ostentatoire, si brouillon, qu’il en devenait inoffensif ; simplement, Shadwell haïssait tout le monde, sans distinction de milieu social, de couleur ou de croyance, et il n’allait pas commencer à faire des exceptions.
C’est assez marrant parce que sous la couche de comédie (et il y en a une belle épaisseur, croyez-moi), De bons présages réserve aussi quelques réflexions sur la religion, le libre-arbitre et d’autres choses.
- J’vois pas ce qu’il y a de super à créer des gens comme ils sont, et puis à s’énerver qu’ils se conduisent comme des gens, intervient Adam avec sévérité. Et puis, de toute façon, si vous arrêtiez de dire aux gens tout s’arrange après leur mort, ils commenceraient peut-être à mettre leurs affaires en ordre pendant qu’ils sont encore vivants. Si c’était moi le chef, j’essaierai de faire vivre les gens plus longtemps, autant que Mathusalem. Ca serait drôlement plus intéressant. Et puis ils commenceraient peut-être à réfléchir à ce qu’ils font à l’environnement et à l’écologie, parce qu’ils seraient toujours là dans un siècle.
Et puis ce qui est chouette, c’est les petits clins d’œil, les symboles qui séparent les paragraphes qu’on ne sait jamais trop s’ils ont un sens ou non, tous les petits à côté de la trame principale (les lettres de M. Tyler, le dur métier de démarcheur par téléphone, la télé évangéliste dans toute sa splendeur…), les références en tout genre, et les idées débiles qu’on garde pour le restant de sa vie.
Rampa faisait actuellement du deux cents à l’heure, un peu à l’est de Slough. En apparence, il n’avait rien d’un démon classique. Pas de cornes ni d’ailes. Certes, il écoutait une cassette de Best of Queen, mais il ne faut rien en conclure : toutes les cassettes qu’on laissait trainer plus de quinze jours dans une voiture se métamorphosaient en Best of Queen.
Certes, ce n’est ni le meilleur roman de Gaiman, ni le meilleur roman de Pratchett, mais c’est un très bon divertissement, bien écrit, drôle, intelligent qui mêle habilement le talent des deux auteurs. Quand on pense en plus qu’on parlait à une époque d’une adaptation en film par Terry Gilliam, avec Johnny Depp dans le rôle de Rampa… voilà quelque chose qui fait rêver !

Ouvrage lu pour le challenge Fins du monde, histoire de changer des zombies. On y trouve quand même une Apocalypse avec quatre cavaliers, un Léviathan et des prophéties (mais aussi des Atlantes, des aliens et des Tibétains, mais ceci est une autre histoire).

CITRIQ

lundi 9 avril 2012

Super-héros ! (anthologie)


Je ne résiste jamais à une histoire de super-héros (pourvu qu’elle soit un tant soit peu intelligente quand même), du coup ce n’est pas une surprise que cette anthologie ait attiré mon regard lors de ma visite à Zone franche à Bagneux.

J’étais curieuse en plus de ce que pourraient donner des nouvelles sur les super-héros, le genre étant notoirement visuel, et donc susceptible de moins bien fonctionner sur papier (et sans images). En plus y’avait écrit Timothée Rey sur la couverture (il a co-dirigé l’anthologie), ce qui en ce moment est un très bon argument de vente chez moi.

Au programme, nous avons donc une intro qui resitue un peu le super-héros (je suis fière désormais de ne pas tomber des nues quand on me parle du Nyctalope, merci la Brigade Chimérique !) et présente rapidement l’anthologie, composée de seize nouvelles, et de quelques illustrations.

Comme toujours dans ces anthologies, il y en a pour tous les goûts, il y a du très bon et du pas aussi bon. L’ouvrage remplit bien ses promesses en abordant un peu tous les aspects du super-héros, avec des registres très différent, qui sont plus ou moins susceptibles de nous parler.

Voilà les textes qui m’ont particulièrement marquée :

- La Mère de tous les vices, de Guillaume Thiberge, sans doute parce que ça ressemble à un rendez-vous chez un conseiller d’orientation (mais en version futuriste assez sinistre) ;

- Avis de Tempête de Cindy Van Wilder, histoire d’une adolescente capable de dompter les tempêtes, qui conjugue avec difficulté son statut d’héroïne qui lui vaut autant de notoriété que de rejet (c’est toute la contradiction du super-héros) ;

- Cityville est calme ce soir de Don Lorenjy, excellent texte humoristique truffé de références à Batman et Superman. La chute est un poil prévisible, mais non moins délicieuse ;

- Trêves de comptoir de Anthelme Hauchecorne, qui nous emmène dans un bar où tous les super-héros se retrouvent pour boire un verre après le travail, et où on se rend vite compte que travailler en équipe n’est pas une chose simple (y’a un petit côté Flander’s Company mais du côté des gentils en fait) ;

- Cap’tain Life de Alexis Moroz, où l’on suit les pas d’un grand-père tueur à gages engagé pour tuer un super-héros dans un futur joliement mis en scène avec des extraits de générique de série, d’interview ou de journaux qui s’intercalent dans le récit ;

- Lambda Man de Jeanne A. Debats, sans doute de tout l’ouvrage le récit qui touche au plus près des super-héros qu’on connait (ils ne sont jamais nommés explicitement, mais vous reconnaitrez facilement la bande en question) ;

- Atomic Girl et moi de Oliver Castle, récit d’un dessinateur de comics et de sa relation avec une super-héroïne, que j’ai beaucoup aimé justement parce qu’il parle des comics, justement. Et le ton plein de dérision du narrateur est fort chouette également ;

- Pierrier-Par-Cœur contre les dévoreurs de montagne de Timothée Rey, excellente histoire d’une marmotte super-héros dont j’ai déjà parlé dans ma chronique sur son recueil Dans la forêt des astres ;

- Histoire de cendres de Karim Berrouka, qui nous parle d’un monde où les super-héros sont venus sauver la Terre avant de disparaitre, et où un enfant devenu grand cherche à les retrouver pour les remercier ;

Bon en fait j’aurais pu parler de toutes. J’ai laissé de côté les super-héros dans l’histoire (à Byzance, en Grèce antique, en plein Moyen-Âge) qui m’ont étrangement laissé assez insensible, et quelques autres textes qui sont intéressants, mais qui ne m’ont pas plus marqué que ça (sur l’imaginaire des super-héros, sur une jeune fille qui se découvre un étrange pouvoir des mots…).

En tout cas, si vous aimez les histoires de super-héros, c’est une chouette anthologie qui fait bien le tour du sujet.

CITRIQ

samedi 7 avril 2012

Vivants - Isaac Marion


Je vous admets que je n’aurais jamais investi dans un tel roman de mon plein gré, rien qu’avoir une citation de Stephenie Meyer en couverture (« Isaac Marion a écrit l’histoire d’amour la plus inattendue que j’aie jamais lue. »), y’a de quoi prendre la fuite.

Mais il s’avère que je ne l’ai pas payé, et qu’accessoirement, c’est finalement un bon petit bouquin. Bon certes, c’est un énième roman post-ap avec des zombies, mais le concept est un peu plus original que d’habitude, puisqu’il nous raconte une histoire d’amour entre une vivante et un zombie.

Si vous rigolez en lisant cela, c’est tout à fait normal. Tout le bouquin m’a fait l’effet d’une plaisanterie, et à son insu, j’ai trouvé ce texte très drôle.

Pourtant, dans le fond, le ton du roman est plutôt triste et mélancolique, parce que l’histoire est racontée du point de vue d’un zombie, R. C’est d’ailleurs l’atout majeur de Vivants, de prendre le contrepied de toutes ces histoires de zombies pour s’intéresser à ce qui se passe dans la tête des morts.

On découvre donc leur mode de « vie » en bande, leurs petits rituels, et les étranges cheminements mentaux dans l’esprit de ce cadavre ambulant, cheminements qu’il a grand mal à expliquer avec des mots (les dialogues sont de haute volée, si si je vous jure).

D’ailleurs j’avoue avoir beaucoup apprécié ce côté « étude sociologique du zombie », plutôt bien pensé, de même que le mode de vie des derniers humains, réfugiés dans des stades transformés en forteresse (quand on y pense c’est tout à fait logique, y’a qu’à voir à quel point le Stade de France a des allures de château fort, à dominer ainsi le paysage).

C’est donc plutôt plaisant à lire comme histoire d’amour atypique dans un paysage post-apocalyptique. Mon seul regret, c’est le final qui est vraiment bizarre. S’éloignant carrément de toute rationalité, il ne m’a pas trop parlé et m’a semblé même un peu facile (mais c'est une histoire d'amour, il faut dire).


CITRIQ

jeudi 5 avril 2012

Dans la forêt des astres - Timothée Rey


Ayant beaucoup apprécié les Nouvelles du Tibbar, je ne savais pas si je devais me jeter de suite ou faire durer le plaisir avec Dans la forêt des astres, deuxième recueil de nouvelles de Timothée Rey publié aux Moutons électriques.

Et puis j’ai croisé une de ses nouvelles dans l’anthologie Super-héros ! (chronique à venir un jour prochain), et je suis si facilement retombée sous le charme de sa prose que j’ai assez logiquement enchainé sur ce recueil. Et voilà !

Ce nouveau recueil de quitte les sentiers de la fantasy pour s’engager sur ceux de la science-fiction (ou des littératures de l’imaginaire avec un grand I, certaines nouvelles ne sont juste pas faites pour rentrer dans des cases), abandonnant au passage l’unité géographique du Tibbar pour des univers différents à chaque nouvelle.

Cela induit une lecture en pointillés, chaque texte ayant son identité propre, il vaut mieux le savourer au lieu d’enchainer (c’est un peu comme les très bons chocolats, on déguste, on n’en avale pas cinq d’affilé). Pas l’idéal pour lire dans le métro donc (à moins d’avoir un autre bouquin pour alterner), mais quel délice mes amis !

Chaque nouvelle est un petit bijou finement ciselé, que ce soit pour son univers (tous plus merveilleux les uns que les autres, de la planète-œil à la Lune terraformée) pour son écriture (pleine de poésie et de jeux de mots) ou pour ses multiples références plus ou moins claires. Le ton est souvent assez humoristique (que ce soit de la franche comédie ou de l’humour noir), mais certains sont emprunts d’une douce mélancolie fascinante.

S’il n’y a qu’un défaut à trouver à l’ouvrage, c’est que l’auteur parfois en fait un peu trop avec les mots inventés et bricolés, si bien qu’on se noie dans les phrases. Par exemple, la nouvelle L’ordure/un, dont le concept est pourtant assez alléchant (il y a aussi un indice dans le titre pour l'oeuvre parodiée en version robotique) m’a presque filé la migraine (mais je l’ai lu en étant très fatiguée, ça joue aussi).

Et puis ce sont des nouvelles, parfois très courtes, donc si c’est un format auquel vous n’accrochez pas, Dans la forêt des astres risque de vous décevoir (d’autant plus qu’il n’y aucun lien entre les textes). Par contre, si vous aimez les textes courts, la virtuosité d’une histoire qui tient en quelques pages, les petits éclats de génie, nul doute que ce recueil vous ravira.

Dans l’absolu, je pourrais vous parler de tous les textes, mais il n’y en a pas moins de vingt-et-un, alors j’ai préféré vous faire une petite sélection de ceux qui me sont allés droit au cœur.

- Capitaux des péchés, premier texte du recueil, où l’on découvre un futur angoissant à la Orwell dominé par la religion, où l’ensemble de vos pêchés sont comptabilisé par un implant, ce qui donne lieu à des amendes. Entre les jeux de mots et le côté un peu ubuesque de l’univers (on se retrouve avec un péché de gourmandise rien qu’en regardant une vitrine de pâtisserie), le résultat est une nouvelle très drôle.

- Face au Quarante-et-Unième rugissant, nouvelle qui réécrit l’histoire d’une grande institution française à sa façon, grand moment de fou rire également (et puis des aliens à l’époque de Louis XIII, d’office, ça promet !).

- Pierrier-Par-Cœur contre les dévoreurs de montagne, texte que j’avais déjà lu dans l’anthologie Super-héros !, qui nous raconte la vie d’un super-héros marmotte. Dans les montagnes, luttant contre les prédateurs naturels des marmottes, qu’ils soient aigles ou hommes. Absolument génial, tout simplement.

- En attendant la concordance de phase (avec proposition de mise en scène), pièce en un acte, bel exemple de ce que peut faire l’auteur quand il s’amuse avec les classiques. Ici il nous refait la pièce de théâtre En attendant Godot en version SF, j’imagine que c’est un peu plus savoureux quand on connait la pièce, mais c’est amusant de toute façon à la lecture.

- Araignées scintillantes au-delà des gouffres, qui est un peu le pendant de Sur la route d’Ongle qu’on trouvait dans le recueil sur le Tibbar. Cette nouvelle raconte bêtement le trajet d’un train, sauf qu’il s’agit d’un train à vapeur qui voyage entre les mondes (même qu’il faut atteindre les 106 km/h pour passer d’un monde à l’autre). Avec d’aussi belles descriptions, on aimerait presque un roman sur le sujet ! Je crois bien que c’est ma nouvelle favorite de tout le recueil.

- Dix-sept feuillets épargnés du journal de Cham, qui s’intéresse au périple de Noé. J’aime bien la volonté de donner un côté très vrai au récit, avec ce narrateur qui nous parle des longues journées à bord de l’Arche, passées à nourrir les animaux et à nettoyer les cages principalement !

- La vieille qui, là-haut, porte son fagot noir, ma deuxième nouvelle favorite, texte plein de mélancolie qui nous emmène visiter une Lune terraformée à l’agonie, où sa dernière habitante se remémore sa vie (et ce qui est arrivé à la Lune) tout en ramenant du bois pour se chauffer.

- « Qui suis-je ? » dit le klapoutcheewoc, conte d’inspiration africaine qui respecte à la lettre les codes du genre, avec une pointe de SF pour relever le tout, difficile d’y résister.

Voilà, je vais m’arrêter là, mais je pourrais continuer sur l’usage original qu’on fait des rêves dans Flux tendu, évoquer l’étrange royaume de Silicone carnée, ou signaler en passant la nouvelle Dans l’espace, personne ne vous entendra bailler, digne de Douglas Adams dans ses péripéties…

Les titres des nouvelles sont, vous le noterez, assez excellents, quelques illustrations viennent ponctuer les parties, et l’ouvrage en lui-même, comme toujours aux Moutons, est un beau livre (avec ses rabats découpés notamment). Autant dire que dans le fond comme dans la forme, il vaut bien ses 26 euros. Un gros de cœur pour ma part, que je vous invite à découvrir si le format nouvelles vous plait.

CITRIQ

mardi 3 avril 2012

Masqué 1 : Anomalies – Serge Lehman et Stéphane Créty


Depuis la Brigade Chimérique, je garde un œil sur tout ce qui sort sous le nom de Serge Lehman, et vous pensez bien qu’une nouvelle série de BDs portant également sur le thème du super-héros, je n’allais pas la laisser passer !

Cette fois-ci, adieu les années 30, direction le futur (bien qu’on n’ait aucune date précise à ma connaissance), bien qu’on reste à Paris. Un Paris qui a connu une belle poussée d’urbanisme, et où de mystérieux phénomènes font leur apparition : ce sont des Anomalies, d’étranges créatures qui semblent apparaitre de nulle part et dont ne sait rien ou presque.

A vrai dire « on ne sait rien ou presque » pourrait résumer ce premier tome qui sert essentiellement à planter le décor (Paris-Métropole) et à faire connaissance avec les différents protagonistes (dont Frank Brafford, héros de l’histoire, et tout son entourage aux buts plus ou moins obscurs).

Pour le moment, j’aime beaucoup tout ce qu’on donne à voir, notamment ce Paris du futur, d’autant plus que le format permet d’en mettre plein la vue côté dessins (non ne rigolez pas, j’ai tellement l’habitude de lire du comic que le bon vieux format BD me surprendrait presque par sa taille, d’autant plus que j’ai encore la Brigade Chimérique en tête).

Par contre, j’avoue être un peu frustrée côté histoire. En 48 pages, on a à peine le temps de poser les bases (la quatrième de couverture en dit presque plus que l’intérieur), et les dernières pages sous forme de blog apportent plus d’informations que le reste du tome. Bref c’est un prologue, nul doute que l’histoire commencera vraiment dans le tome 2.

A l’image de la Brigade Chimérique, j’imagine qu’il faudra la série complète pour bien apprécier l’histoire, et donc du coup il vaut peut-être mieux attendre que tous les tomes soient sortis pour tout lire d’une traite. En attendant, c’est une série qui promet. On verra bien à quoi ressemble le tome 2 qui sort cet été.

CITRIQ

dimanche 1 avril 2012

Dead Kennedy - Sean Stewart


J’ai fait connaissance avec Sean Stewart il y a quelques années en lisant l’Oiseau moqueur, et cette lecture avait été un petit coup de cœur à l’époque. J’ignorais complètement que d’autres romans de lui avaient été traduits en français, jusqu’à que j’entende parler de celui-ci à la salle 101 (c'était en janvier 2011, mais que voulez-vous, il faut le temps de dénicher le bouquin et qu’il s’affine un peu dans ma PàL…).

Sur le coup j’étais plus que contente d’en apprendre l’existence, d’autant plus que je ne serais jamais tombée dessus en rayon, vu que le bouquin était classé en littérature générale. Ce qui n’est pas complètement faux. Ni complètement vrai. Enfin rien d’anormal pour un livre de la collection Interstices en fait (collection dont il est difficile de déterminer si elle est encore vivante ou non, d’ailleurs).

Dead Kennedy (ou DK pour faire plus court) est le surnom de William Kennedy, un trentenaire vivant à Houston qui possède depuis tout petit la capacité de voir les morts (et de parler avec, tant qu’à faire). Ce qui ne lui facilite pas une vie déjà bien miteuse : sa femme l’a quitté il y a douze alors qu’elle était enceinte et il ne s’en est jamais vraiment remis. Il vit dans un appartement miteux et passe d’un petit boulot à un autre, et essaye d’être le meilleur père possible pour sa fille Megan qu’il voit tous les quinze jours.

Autant dire quand un soir, un cousin éloigné l’appelle pour lui demander de l’aide pour chasser un fantôme dans son garage (contre une belle somme d’argent), il accepte sa proposition. Et comme s’il n’avait pas assez de problèmes comme ça, sa vie devient encore plus compliquée…

C’est assez marrant parce que ça fait bien trois ans que j’ai lu l’Oiseau moqueur, mais dès les premières lignes de Dead Kennedy, j’ai retrouvé l’univers et le style si particuliers de l’auteur que j’avais aimés à l’époque.

Je m’appelle Will Kennedy. Je suis futé, mais pas autant que mon cousin Andy qui s’est mis à l’informatique à l’époque où il était chez les scouts et qui travaille aujourd’hui dans la Silicon Ravine – autrement dit à Austin. J’ai eu des démêlés avec la justice, mais pas autant que mon oncle Jerome, encore incarcéré pour agression caractérisée depuis qu’il a surpris son contrôleur judiciaire au pieu avec sa femme. Dans la famille, on me considère comme un cas, mais pas autant que tante Dot –qui, bien que toujours officiellement baptiste, assure avoir été une reine de la planète Saturne dans une vie antérieure.

On comprend facilement qu’un tel roman ne soit pas classé au rayon imaginaire, tant l’argument fantastique se révèle léger et s’intègre parfaitement la réalité qu’on connait. Dead Kennedy voir les morts, soit, mais finalement son entourage ne le considère pas comme plus bizarre qu’un fétichiste des chaussettes à pois (ou une femme qui se fait posséder par des esprits, pour ne pas évoquer l’Oiseau Moqueur).

On se rend d’ailleurs vite compte que le héros de cette histoire n’est pas tant hanté par les esprits des morts que par ses problèmes personnels qui le bouffent peu à peu, et le roman raconte finalement une descente aux enfers des plus banales (et des plus effrayantes).

Mais quel est l’intérêt du roman alors qui ne contient ni elfe, ni vampire, ni alien ? Cela tient à sa simplicité, à son ton plein d’humour (noir) et de tendresse, au petit monde étrange où il se déroule, où il est presque moins inquiétant de croiser son oncle mort qui se ballade pieds nus, que de découvrir que sa fille porte désormais des soutiens-gorge.

Toute l’histoire se déroule à Houston, au Texas donc, mais pas forcément le Texas qu’on connait par les clichés. Ou plutôt, s’il y a des clichés (les armes, les usines pétrochimiques à foison), Sean Stewart en joue très habilement, ce qui est très sympathique.

Il faut ajouter à cela une galerie de personnages assez extraordinaires. DK est en effet issu d’une famille gigantesque (tentaculaire même) dont il est difficile de matérialiser l’arbre généalogique, mais cela donne lieu à des rencontres avec des cousins, oncles et tantes particulièrement hauts en couleur, ou parfois juste touchantes, tous ces personnages étant finalement pour la plupart bourrés de défauts, ce qui ne les empêche pas de s’aimer.
«  Ouais, je sais. Mais bon… tu me crois, seulement ? Quand je te raconte que je vois des fantômes ? Tu dois me prendre pour un fou. »
Mon père a ôté ses lunettes de lecture, qu’il a repliées et rangées dans sa poche. Ses cheveux avaient viré au poivre et sel au cours des dernières années, et ses épaules semblaient plus courbées.
« Ta mère affirme qu’elle sent véritablement la présence aimante du Christ dans sa vie. Or, j’ai beau croire en Dieu, enfin je pense, moi, ça ne m’est jamais arrivé. Mais est-ce que je vais la traiter de menteuse simplement parce que le Christ n’habite pas mon cœur ? a-t-il dit en se resservant un peu de déca. Non. Peu importe mon avis. Mon boulot, c’est de t’aider de toutes les manières possibles.
- Ah », j’ai dit.
Moi, le gars au couple bousillé et aux jobs de merde, j’étais touché – et penaud – de toutes les années passées à lui cracher dessus alors qu’il veillait au grain.
Assez ironiquement, je me suis d’ailleurs rendue compte à la lecture à quel point abuser de la fantasy donne parfois des aprioris tordus sur la famille type. J’ai en effet été surprise à un moment que le héros connaisse ses deux parents (tous deux toujours en vie), et qu’il ait une vraie famille avec des sœurs, des cousins et tout le tintouin.

Bref j’avais beaucoup aimé mon premier roman de Sean Stewart, et j’ai tout autant apprécié celui-ci, frais, plein de vie, drôle et triste à la fois… c’est un texte plein de subtilités (on a un peu de mal à suivre les cheminements mentaux de DK, c’est le seul reproche que je lui ferais) et truffé de références (notamment musicales, qui m’ont du coup complètement échappé), qui se dévore avec beaucoup de plaisir.
«  Je pense que tout se résumé à des chansons, ai-je dit en reprenant de la bière. Qu’on a tous les droit à un CD de nos minutes, qui s’élèvent à soixante-dix. Et certaines des chansons sont courtes, d’autres longues. Quelques-unes ont un rythme d’enfer. D’autres nous brisent le cœur.
[…]
Au bout de ces soixante-dix minutes, on devient va savoir quoi. On aimerait tous produire un album comme Murmur, mais peut-être que ça ne t’est pas donné. Que tu dois faire, je sais pas… du métal industriel allemand. On n’a pas toujours le choix. Par contre, l’important, c’est qu’il ne faut jamais laisser des plages vides. »
CITRIQ